« Comment tu crées tes personnages ? »
Bonne question à laquelle je n’ai pas su répondre sur le moment.
La semaine dernière j’ai eu la visite en mon humble appartement de Quentin Guillon (découvrez-en plus sur lui ici), que j’avais rencontré fin 2023 lors d’une dédicace à Niort avec Pamela Renault (acolyte de l’exercice dédicace, que vous pouvez découvrir ici). On ne s’était pas revus depuis, mais on avait continué à échanger par messages.
Au cours de la soirée, Quentin me demande comment je crée mes personnages. Je venais timidement d’essayer de parler de mes romans en cours, des recherches que je menais et j’ai mentionné le personnage italien dans Le Ruban Bleu. « Comment tu crées un personnage italien ? » *Brain freeze*
J’ai bafouillé un truc bidule chouette puis on est passés à autre chose. La question est revenue quand je suis allée me coucher, puis elle m’a suivie pendant de longues heures. J’ai commencé à formuler quelques éléments de réponse jusqu’à me dire « ce serait rigolo que j’en parle via ma lettre ». Allons-y Alonso !
En y réfléchissant, j’ai essayé de retracer comment ont évolué les personnages depuis que j’aie eu ma première idée du Ruban Bleu. Mes personnages apparaissent d’abord comme des silhouettes ou alors dans des scènes très précises. Par exemple, Rosalie c’était dans une bibliothèque à l’écart d’un bal masqué.
Au début, je ne sais pas grand-chose à leur sujet. Même leur prénom, je mets du temps à le découvrir… Rosalie c’est parce qu’un personnage de Zola se prénomme ainsi et je trouvais ça joli et plutôt moderne. Matteo à cause de Matteo Falcone… Les noms de famille c’est pire que tout ! Il y a une chose dont je suis sûre au sujet de la création de mes personnages : c’est que j’apprends à les connaître avec le temps (et l’écriture).
Je pense à eux tous les jours. Ils évoluent dans des scènes, des moments, qui ne seront peut-être jamais écrits, mais ils se meuvent, discutent, réfléchissent… Dans mon quotidien, n’importe quoi peut être une source d’inspiration : une anecdote que je lis ou qu’on me raconte, une jolie broche dans un musée, une phrase dans un livre, un plan dans un film, une photo dans un vieux livre… Je me laisse en permanence porter par les découvertes, avec toujours ces silhouettes dans un coin de ma tête.
Certains jours, je prends vraiment le temps de penser à leur passé, d’où ils peuvent venir, quelles sont leurs convictions, comment ils peuvent réagir face à une situation, ce genre de chose. En fin de compte, une grande partie de leur création se fait « organiquement ».
Quelques subtilités demandent un travail d’approfondissement. Avec Matteo, par exemple, qui est illusionniste et italien, cela nécessite quelques recherches. Ici, sur l’illusionnisme, qui a ses spécificités au XIXe siècle (c’est passionnant à s’y perdre). Concernant son origine, j’apprends la langue, je lis des livres d’histoire, je regarde des séries, des films… Je m’imprègne au maximum de la culture du pays. Dans La nostalgie de mai, Teigne a des origines irlandaises et je l’ai su en allant à un concert du Centre culturel irlandais à Paris. Ensuite, j’ai suivi un cours d’irlandais pendant un an, pour avoir quelques bases, quelques clés… Cette phase d’apprentissage, de recherches, je l’adore parce que je rencontre de nouvelles personnes, je découvre plein de nouvelles choses.
Ce n’est pas une méthodologie très rigoureuse — peut-être même qu’elle évoluera — mais ça me plaît de penser que c’est une relation à entretenir. Les écouter, les observer, me permet de mieux les écrire. Quand j’y pense, il y a toujours un personnage qui reste assez secret : Hanson dans Sur les cendres. Cependant, ça ne m’étonne pas de lui, alors je respecte.
À tous les créateurs qui passent par ici : comment faites-vous ?
À bientôt,
Océane
J'adore découvrir l'envers du décor ! De mon côté ça fonctionne un peu pareil, par itération, par petite touche, souvent je ne sais que peu de choses d'eux. En général c'est plutôt un point de leur psychologie qui lance la recherche. Ensuite ils se construisent peu à peu (du moins quand ils sont coopératifs 😅). Les détails s'affinent déjà pendant la phase de recherche, mais aussi beaucoup pendant le premier jet. Par exemple pour le protagoniste de mon prochain roman, quelques tics absolument "random" ont totalement intégré l'intrigue (le fait qu'il fasse des oiseaux de papier, et qu'il suçote toujours un bonbon au gingembre - ça c'est venu de mon dernier resto chinois 😁 c'était totalement inattendu et pourtant tellement adapté pour ce personnage)